Vieillir en santé mentale

« Qui n’a jamais vu ou entendu ce cliché de la p’tite vieille qui se berce, seule, déprimée, délaissée, vaguement sénile et attendant en vain que ses enfants lui rendent visite au centre d’accueil. Si cette image de la p’tite vieille tend à changer avec l’arrivée des baby-boomers dans le troisième âge, l’association vieillissement-solitude-dépression-démence semble faire peur à beaucoup de gens. Il y aurait long à dire sur ce sujet, mais je me contenterai ici d’aborder la question de la solitude, de la pauvreté et de la santé.

Les personnes âgées vivant seules

Certains chiffres indiquent que 34% des 65-69 ans et 87% des 90 ans et plus vivent seuls. Selon cette même source, 61 % des femmes de 65 ans et plus vivent seules (39% vivent en couple), alors que 28% des hommes de 65 ans et plus vivent seuls (72% vivent en couple).

Je me permets tout d’abord cette remarque à propos de la solitude et de l’isolement, qui sont par ailleurs deux choses différentes. Le fait de vivre seule, sans conjoint, ne signifie pas pour autant qu’une personne soit sans réseau, sans amitié importante, sans appui venant de proches, parents ou amis. S’il est vrai de dire que la solitude peut être une source de grande souffrance quand on ne l’a pas choisie, cette réalité existe aussi peu importe son âge.

J’essaie simplement de dire que vivre seule ne signifie pas être condamnée à vivre isolée et malheureuse. Ici encore, je crois que la question relationnelle est à prendre en considération plus globalement : comment fait-on, tout au long de sa vie, pour vivre sainement, de façon stimulante et constructive, ses relations avec les autres et son engagement dans la communauté ?

Par ailleurs, cette considération, pour importante qu’elle soit, ne doit pas passer sous silence le fait que beaucoup de femmes âgées vivant seules sont pauvres, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur leur santé, physique et mentale. L’économiste Ruth Rose évalue qu’au Québec, chiffres de 2005 à l’appui :

32,1% des femmes âgées vivant seules étaient pauvres, c’est-à-dire qu’elles gagnaient 13 700$/an, soit moins que le seuil de faible revenu fixé par statistique Canada qui, en 2003, l’évaluait à 19 795$/an avant impôt, pour une personne seule dans une grande agglomération canadienne.

En 2011, ces femmes gagnent autour de15 000$/an, alors que le seuil de faible revenu est établi depuis 2009 à 22 235$/an.

Or, si de multiples facteurs sont à l’œuvre durant toute la durée de nos vies pour favoriser un vieillissement en santé, il en va de même pour le cycle de la pauvreté, du stress occasionné par le manque de ressources, par un environnement mal adapté aux besoins de base, par l’isolement social, etc.

Sommes-nous malades parce que nous sommes vieilles ou le sommes-nous parce que nous sommes pauvres ? Comme le disait Yvon Deschamps dans un célèbre monologue, « mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade » ? !

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les trois piliers d’un vieillissement en santé sont :

  • Un environnement favorable
  • L’entraide
  • Les choix individuels (être active, bonne alimentation, rendre sa maison agréable et sécuritaire, etc…)

Mais c’est difficile de rester en bonne santé quand il faut choisir, jusqu’à sa mort, entre acheter de la nourriture, son médicament, payer son compte d’hydro, de téléphone ou se payer une carte de bus…

Selon le Comité de la santé mentale du Québec, une personne âgée en bonne santé mentale est :

(…) celle qui est capable de vivre et d’exprimer ses émotions de façon appropriée, de bien raisonner, d’être en relation satisfaisante avec son entourage, d’occuper sa place dans la société et d’exercer son pouvoir de décision.

Cette définition peut s’appliquer à toutes les tranches d’âge. Il en va de même pour leur définition d’un « vieillissement normal » :

  • l’absence de maladies aiguës ou chroniques invalidantes
  • la capacité de subvenir à ses besoins de santé, d’habitation, d’alimentation, de loisirs
  • le maintien d’une identité et d’une image de soi positives
  • la possibilité de mener une vie active satisfaisante
  • la présence d’un réseau social significatif
  • la possibilité d’exercer un contrôle sur sa vie

Or, comme il en a été fait mention d’innombrables fois lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés québécois, les effets de la gérontophobie, de l’âgisme et de l’exclusion sociale qui en découle peuvent s’avérer dévastateurs sur la santé, physique et mentale.

En d’autres termes, l’aversion et la peur des personnes âgées (la gérontophobie), le rejet basé sur l’âge et sur des stéréotypes généralisants et caricaturaux (l’âgisme) et la mise à l’écart de la société active… voilà un cocktail bien mauvais pour la santé !

Pour reprendre les mots du psychogériatre Olivier de Ladoucette :

Le fait que l’on puisse être heureux, tout en étant vieux, ne veut pas dire que tous les vieux le sont. Loin de là. Je crois qu’au-delà de la solitude et éventuellement de la maltraitance de nos aînés, ces derniers souffrent du regard que l’on porte sur eux. Ils ont l’impression désastreuse d’être devenus inutiles, transparents. Il faut absolument que nous cessions de voir en eux un fardeau pour la société.

Enfin, comme le soulignait l’Organisation mondiale de la santé lors de l’Année internationale des personnes âgées, en 1999 :

Les décisions des pouvoirs publics en vue d’encourager les personnes âgées à rester actives et en bonne santé doivent inclure la création de conditions sociales et environnementales favorables pendant toute la vie. La justice sociale, la fourniture de services de base efficaces et la participation de tous à la société sont des concepts essentiels pour permettre la réalisation des opportunités et du potentiel d’un monde en vieillissement rapide. »

 

(Extrait de Considérations sur l’âge, de Suzanne Boisvert, artiste en communauté)

Pour lire le texte au complet, rendez-vous sur notre site : http://www.lamariedebout.org/NOUSLESFEMMES/age.htm

Pour téléchargez le texte au complet en format pdf, cliquez ici : http://www.lamariedebout.org/NOUSLESFEMMES/Considerations.pdf.

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