Le film Nous, les femmes à Ville-Marie

Nous étions cent femmes de tous les âges à nous retrouver au Théâtre du Rift, au centre-ville de Ville-Marie, pour célébrer ensemble la Journée des Femmes et lancer la Marche mondiale des femmes.

En première partie de la soirée, une projection du premier documentaire de Caroline Saucier, en collaboration avec la photographe Andza Lefebvre Cossette, Images de femmes, empreintes d’émotions. Il s’agit d’un reportage-photos avec des entrevues audio, trame musicale et commentaires poétiques sur neuf femmes qui laissent leurs empreintes sur le territoire du Témiscamingue. Des artistes, des femmes d’action, des leaders dans leur région. On a pu aussi rencontrer deux femmes autochtones de Winneway et d’Eagle Village, qui parlent de leur attachement à leur terre et à leurs traditions.

La deuxième partie de la soirée était consacrée au film réalisé par Martine Gignac, NOUS, les femmes qu’on ne sait pas voir. Le film a été chaleureusement reçu, et les images tournées au Témiscamingue ont provoqué de nombreuses réactions dans la salle !

Après la projection, Martine, Nicole Desaulniers, moi-même (Suzanne Boisvert) avons invité Josée Lefebvre, Diane Blais, Micheline Dubois et Lorraine Lachapelle, toutes les quatre ayant participé au tournage, à venir nous rejoindre sur la scène. Nous avons coanimé une conversation sur ce que le film avait suscité. Oh ! encore une fois, la magie a opéré ! Des jeunes femmes ont exprimé avec émotion comment elles se sentaient inspirées par le film. Des grands-mères ont partagé leurs expériences et leurs découvertes au gré des âges. Le film semblait vraiment en résonnance avec la première partie de la soirée, car il était aussi question de territoires. Territoires intérieurs. Territoires imaginaires. Quête d’une prise de paroles, libres. Voici quelques extraits de ce qui se discutait ce vendredi soir dernier :

Moi, ce qui m’a touchée, c’est vraiment l’ensemble du film, de l’œuvre. Parce que dans la jeune vingtaine, on pense souvent que le vieillissement, ça ne nous touche pas. Moi, c’est quelque chose qui m’a toujours angoissée, depuis que je suis vraiment jeune. Je regardais mes parents, mes grands-parents, rendus à 60-70 ans, t’as plus de but dans la vie… Puis ça, vous l’avez soulevé dans le film. Vous m’avez ouvert les yeux : à l’âge que vous avez, vous en avez beaucoup de projets ! Vous en avez peut-être même plus que moi ! Maintenant, vous savez ce que vous aimez, ce que vous êtes, vous pouvez les accomplir encore d’une plus belle façon, selon moi. Vous m’avez ouvert les yeux sur une belle façon de vieillir. Et ça m’angoisse moins. Merci beaucoup !

Je veux vous parler de la qualité des images, des paysages, des visages ! C’est extraordinaire comment c’est bien fait. Juste à voir les images, à tout bout de champs, je me disais : ah! que c’est beau! Et l’autre affaire qui m’a beaucoup touchée, c’est la façon poétique de parler de la ménopause. C’est beau!

Moi aussi je veux parler de la vie. Et la vie, c’est par casiers. Tous les casiers sont aussi importants un que l’autre. Que ce soit l’enfance, la jeunesse, le moment de sa vie où on prend des décisions, une famille et tout ça. Après ça, les enfants partent, la retraite et ensuite le vieillissement. Le vieillissement, c’est un peu comme la bête noire, on dirait. Mais ce n’est pas ça du tout, du tout, du tout ! Là, je peux parler en connaissance de cause. J’en ai accumulé des 20 ans, j’ai quand même quatre fois 20 ans ! Puis je pense que quatre fois 20 ans, ça peut être très beau ! Quand on vieillit, on a la chance de voir les autres périodes de la vie. Puis ce n’est pas les autres qui gèrent chaque période de notre vie. C’est soi-même. En grande partie. Il faut savoir les apprécier. Mais j’ai eu des jambettes moi aussi, tu sais. Il faut les prendre aussi. La vie, il faut la prendre avec ce qui nous arrive, avec tout ce qu’elle nous donne. Il faut se dire que chaque personne qu’on est, c’est nous-autres, qui va le faire notre vieil âge!

À partir du moment où je me suis séparée, j’ai dit au mari : regarde, moi je m’en vais à l’école ! Je sors de ta cuisine, je sors de ta chambre, je sors de ton étable, je sors de ton train et je m’en vais! Je m’en vais à l’école ! À partir de là, j’ai suivi ma trail pour aller jusqu’au CEGEP. À 50 ans, j’ai fait deux ans de CEGEP. J’ai appris la socio, la politique, puis j’ai fait de l’art plastique. Moi, j’ai été itinérante longtemps. De ré-apprendre la sociologie, comment ça marche, pourquoi il y a des itinérants, pourquoi il y a des pauvres, pourquoi il y a des classes sociales. Moi, j’avais besoin de comprendre. Je ne comprenais pas la structure sociale. Puis d’apprendre l’art plastique, pour moi, ça a été «ahhhh!», on m’a donné tous les outils… Moi, ce que j’ai à dire à toutes les femmes qui ne savent plus où elles sont rendues, puis qui se séparent, la première affaire à faire, c’est : retournez-vous en à l’école !

Cette paranoïa-là qu’on a, du vieillissement, c’est tout le monde qui écope. C’est sûr qu’à chaque étape de la vie, il y a des bénéfices et il y a des défis. C’est la vie, c’est l’existence. Jusqu’à la fin par exemple. Ce n’est pas une moitié d’existence à 5 ans ou 75% d’une existence à 80 ! Ce n’est pas vrai, l’existence elle est entière à chaque étape. Par contre, elle a des couleurs, c’est sûr. L’aliénation autour de la jeunesse tout ça… il faut se rappeler comment c’était quand on avait 16 ans ou 17 ans ! Il me semble que c’était «rushant», et pour la plupart du monde ! Il y a aussi des défis dans la vingtaine, la trentaine, à chaque étape de la vie. De penser que la dernière étape est la plus souffrante, on s’empoisonne la vie avant même d’arriver là ! L’inquiétude nous ronge. Ça nous empêche parfois d’observer la liberté, la vitalité, tout ce qui s’est gagné, et cette grande profondeur-là de l’être aussi, qui se place tranquillement dans la vie, parce qu’il y a toutes ces expériences-là… Il faut se l’identifier pour soi-même pour que d’autres allument.

Josée Lefebvre, artiste et travailleuse au centre des femmes du Témiscamingue nous a également parlé de l’atelier inspiré par Nous, les femmes qui se continue à Ville-Marie depuis notre passage dans la région. Une vingtaine de femmes se rencontrent chaque semaine pour explorer le sens de leur avancée en âge. Nous préparons un article à leur sujet, alors vous en saurez davantage sous peu…

Nous sommes déjà parties de ce beau grand territoire que nous aimons tant, le Témiscamingue, pour nous diriger vers le Bas-St-Laurent : nous projetons le film mardi le 10 à Rimouski et mercredi le 11 à Mont-Joli. À suivre !

Merci à vous toutes, comadres du Témiscamingue, pour votre accueil chaleureux et votre imaginaire débridé ! On va se revoir bientôt !

Voici quelques photos prises par Nicole Desaulniers, Martine Gignac et Suzanne Boisvert, lors de notre passage à Ville-Marie :

Cliquez sur l’image pour agrandir et voir le diaporama du lancement.

Ville-Marie.Mars_2015

Nous, les femmes à Ville-Marie en mars 2015

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