De la grande visite à La Marie Debout

Trois femmes de la maison communautaire Missinak, Pénélope, Nathalie et Jenny, sont venues passer la journée avec nous vendredi dernier. Elles sont venues de Québec pour nous offrir un atelier de sensibilisation à la réalité autochtone, inspiré de l’histoire des résistances autochtones, de la culture et de la spiritualité.

Comme l’a déjà écrit Pénélope Guay, une des fondatrices de Missinak, « cette activité de sensibilisation jette des ponts entre nos réalités, permettant ainsi de mieux nous connaître et de défaire les préjugés liés à l’ignorance ».  (Missinak : sur les pas de la tortue).

Nous sommes 21 femmes de La Marie Debout à vivre les enseignements de nos comadres de Missinak. Une approche qui s’inspire des pratiques de conscientisation et du sentier rouge, où le développement de la conscience politique va de pair avec celui de la conscience spirituelle : « Nous enseignons que la situation actuelle des autochtones n’est pas étrangère à leur passé. Il fut un temps où ces sociétés étaient fortes et en contrôle de leur destinée. Il faut s’en souvenir individuellement et collectivement pour espérer donner un sens à la marche des communautés autochtones ». (Missinak : sur les pas de la tortue).

Nous sommes assises dans un grand cercle de paroles… et d’écoute. La matinée est consacrée à mieux se connaître, à se regarder dans les yeux avec le cœur ouvert. Pénélope déroule un long papier où sont inscrits des faits historiques : certaines dates sont connues, mais la plupart des faits inscrits sur le tableau sont toujours passés sous silence. Et surtout, toutes les luttes autochtones au cours de l’histoire pour échapper à l’extinction culturelle !

Il y a beaucoup d’émotion dans l’air… Pas facile de regarder son histoire en face. Entendons-nous bien, lorsqu’il est question de l’histoire des peuples autochtones, il s’agit aussi de «notre» histoire, car ne vivons-nous pas sur la même terre ? Les femmes de Missinak diraient sur la « Terre-Mère ».

Non, pas facile de réaliser comment ces simples dates au tableau, ces simples mots écrits noir sur blanc, peuvent avoir déchiré les cœurs et les vies, déchiré des communautés entières. Réserves, Loi sur les Indiens, politiques d’assimilation, mise en pensionnat forcée… Déchirures certes, mais une force et une résistance qui traversent aussi l’histoire. Il y a là matière à plusieurs centaines, milliers d’heures d’enseignement… une autre preuve – si on en avait besoin ! – en faveur d’un cursus revisité des cours d’histoire du Canada à l’école !

Lien vers Femmes Autochtones du Québec : http://www.faq-qnw.org/fr/press_media/press_release/l%E2%80%99histoire-des-pensionna

Après avoir partagé notre dîner, palabré en masse autour des quatre longues tables disposées dans la salle, nous revenons en cercle. Nathalie et Jenny nous raconte l’extraordinaire aventure qui a mené à la création de la Maison communautaire Missinak, son Cercle des Outardes (conseil d’administration), sa visée, sa mission, ses différents volets :

La Maison communautaire Missinak s’enracine dans notre fierté et notre dignité autochtone et celle de nos ancêtres, et s’engage à les promouvoir. Missinak s’engage à travailler en alliance dans le respect mutuel et la justice pour un processus de guérison individuelle et collective de tous les peuples.

Lien vers la Maison communautaire Missinak : http://www.missinak.com/mission/mission.html

Nous terminons la journée par un cercle de paroles. Pénélope nous introduit à la façon d’échanger lors de session de ressourcement et de guérison dans la meteshan (la tente de sudation). Beaucoup de temps de silence, chacune parle avec son cœur de ce qu’elle vient de vivre ou ce qui veut se dire à cet instant précis. Sa parole est reçue tout simplement, sans commentaire, sans réponse, mais avec une extrême attention. Nathalie nous donne à chacune une plume ornée d’un fil rouge et de petites perles, sorte de petits bâtons de paroles aériens, légers, tout à la fois puissants et fragiles. Elle les a fabriquées la semaine d’avant en pensant à notre rencontre. Le mot qui me vient est AMOUR. Puis celui-ci : SORORITÉ.

Avant de nous laisser, Jenny nous offre quelques chants dans sa langue innue, que lui a appris son grand-père. Nathalie nous montre un pas de danse et c’est ainsi que la danse des grands-mères se termine : dans la joie d’être ensemble, les accolades bien senties, le désir simple de se revoir, de continuer d’apprendre les unes des autres… Et je ne peux m’empêcher de penser à cet extrait d’un texte que nous lisions ensemble lors de notre tournée Nous, les femmes qu’on ne sait pas voir :

Je mets mon pied à terre et la terre en tremble de vie ! Je deviens musique, je deviens océan, plus rien ne m’empêchera de faire des vagues !  À force de silence et d’oiseaux, à force de mouvements et de mots, des portes s’ouvrent !

Nous sommes incommodes. Nous sommes incommodées. Nous sommes démodées ? Nous sommes d’un autre temps. Nous sommes de tous les temps. Nous sommes de tout temps. Nous sommes en dehors du temps. Nous sommes ensemble, ici et maintenant !

Toute notre gratitude, notre amitié à vous trois, Grandes Dames de Missinak… et à très bientôt !

Pour soutenir la terre de guérison Missinak, à St-Tite-des-Caps, adoptez un arbre :

À l’intérieur d’une pinède de 5 000 arbres, Missinak vous invite à venir adopter un arbre pour soutenir le travail d’accompagnement et de guérison réalisé sur le site. Vous pourrez, au choix, venir sur place choisir l’arbre adopté ou demander aux responsables qu’ils choisissent pour vous, dans la loge de votre choix.

http://www.missinak.com/coordonnefaq/faq/adopterunarbre.html

Pour lire le récit Missinak : sur les pas de la tortue :

Théorie et pratique de CONSCIENTISATION au Québec, sous la direction de Gisèle Ampleman et Jean-Yves Desgagnés, Presse de l’Université Laval, 2012.

http://www.puq.ca/catalogue/livres/theorie-pratique-conscientisation-quebec-2275.html

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3 réponses à De la grande visite à La Marie Debout

  1. avatar Véronique Morel dit :

    Vivre des heures d’échanges, de souffrances… humer la sauge purificatrice… laisser les mots de notre coeur prendre leur envol sur l’aile d’outarde offerte par Nathalie…

    J’ai vécu, au cours de cette journée mémorable, deux moments d’une grande intensité, où le silence a pris racine dans un souffle de communion. Pas une minute de silence commandée pour commémorer la mémoire d’un Kennedy, par exemple. LE VRAI SILENCE ressenti à l’unisson, comme les outardes secourent la meneuse épuisée. La durée de ce silence n’avait aucune importance. Il était. Entier. Écouté. Ressenti en osmose. Libérateur.

    Je vibre encore à l’essence de ces trois femmes inspirantes.

    • avatar Therese Cloutier dit :

      Journée de connaissances de nos sœurs. Journée d’intériorisation.
      Journée de communion. Temps de fête. Temps de silence. Cercle de la parole dans le respect, l’écoute, l’accueil, l’ouverture.
      Cette rencontre vibre encore dans tout mon être. Je me sens engagée à transmettre la vérité sur le vécu de cette partie du peuple de notre pays. Je ne peux plus tolérer tous les PREJUGES entourant notre peuple d’origine. Merci à mes sœurs autochtones.

  2. avatar Diane Thibaudeau dit :

    Je suis touchée par votre démarche.
    Celle d’être à l’écoute des unes et des autres et de vous-même.
    Une des participantes, Lise Gratton, m’a témoignée cette rencontre enrichissante.
    Je vous souhaite une continuité des plus fructueuses. Je souhaite que nos chemins se croisent.

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